Essai par Lucienne Lefebvre Glaubinger et Jacqueline Hébert Stoneberger

L’espace de la création est le lieu que personne n’a jamais exploré. Il faut quitter la ville qui inspire le confort et parcourir les étendues sauvages où vous serez confronté à votre intuition. Vous y découvrirez quelque chose de merveilleux. Vous y découvrirez qui vous êtes vraiment.

Alan Alda, acteur américain, metteur en scène et scénariste

 

Les «nouveaux maîtres anciens» est une métaphore utilisée par Donald Kuspit, l’éminent critique d’art New-Yorkais, pour décrire les peintres figuratifs contemporains qui réinterprètent le travail des maîtres anciens, ou même y puisent matériaux et inspiration. Si on peut qualifier cette tendance de mouvement, nul doute que France Jodoin doit figurer parmi les artistes appartenant à ce groupe. En effet, les tableaux atmosphériques qu’elle crée évoquent les tableaux de J. M. W. Turner, le peintre romantique anglais dont l’oeuvre a constitué un prélude anglais à celles des Impressionistes français. Mme Jodoin est un peintre d’atmosphères et, à ce titre, sa démarche se fonde sur l’intuition.

Son exposition chez nous en 2008 proposait diverses interprétations de scènes marines où cohabitaient les espaces imprévisibles et parfois sombres du Nord de la côte atlantique: petites embarcations ballotées par les flots vastes et turbulents, vaisseaux se faufilant dans le brouillard jusqu’à leurs ports d’attache, bateaux secoués par les vagues et tendant leurs amarres dans la brume aérienne matinale.

Les tableaux figurant dans cette exposition, intitulée Nomades, explorent ses souvenirs de Venise, la reine vénérée et majestueuse de l’Adriatique. La Venise qu’elle nous propose est celle de l’imaginaire, se situant à la rencontre du ciel et de la mer au-delà de l’horizon subtropical miroitant du lagon et met en scène la chaude lumière de l’aurore, les tourelles des palais déchirant la brume d’un trait blanc, les gondoles sillonnant la mer argentée, les dômes des églises étincelants dans la lueur de la lune.

Mme Jodoin a merveilleusement su rendre l’atmosphère et le caractère de «La Sérénissime». Ces nouveaux tableaux représentent un aboutissement – les vestiges – de son expérience et, parce qu’ils sont exempts de détails anecdotiques futiles, ils s’insinuent furtivement et merveilleusement dans notre propre imaginaire.

Lucienne Lefebvre Glaubinger
Jacqueline Hébert Stoneberger

Beaux-arts des Amériques

Montréal, Canada
Octobre 2010

Traduction: François Coté

The creative is the place where no one else has ever been. You have to leave the city of your comfort and go into the wilderness of your intuition. What you’ll discover will be wonderful. What you’ll discover will be yourself.

Alan Alda, American actor, director and screenwriter

 

“New Old Masters” is a phrase used by Donald Kuspit, the distinguished New York art critic, to describe contemporary figurative painters who reinterpret or even expropriate the work of the Old Masters. If this can justifiably be called a movement, France Jodoin must surely be added to this roster for her atmospheric paintings are very reminiscent of the works of J.M.W. Turner, the English Romantic artist, whose oeuvre offered an English prelude to French Impressionism. Ms. Jodoin is a painter of moods and must, as such, labour from her intuition. Her show with us in 2008 offered us interpretations of the unpredictable and sometimes sombre seascapes of the North Atlantic coastline: tiny ships tossed about on vast turbulent seas; vessels threading their way homeward to their harbours through the fog; or boats bouncing on their moorings in the misty haze of morning.

The paintings in this exhibition, entitled Wanderers, are of her memories of Venice, that beloved and stately queen of the Adriatic. Hers is the Venice of the imagination where sea and sky come together on the shimmering subtropical lagoon: the warm first light of morning, palace turrets gleaming white through the mist, gondolas riding on the silver sea, church domes sparkling in the moonlight.

Ms. Jodoin has captured the atmosphere and character of “La Serenissima.” These new paintings are refinements – vestiges – of her experience and, because they are devoid of irrelevant anecdotal detail, they can become quite simply and delightfully our own.

Lucienne Lefebvre Glaubinger
Jacqueline Hébert Stoneberger

Beaux-arts des Amériques

Montréal, Canada
October 2010